lundi 27 juin 2011

Zazie dans le métro - de Raymond Queneau

QUENEAU, Raymond. Zazie dans le métro, Gallimard, Coll Folio, Paris, 2008 (1959), 261p

Quatrième de couverture
-Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans peine dans son répertoire, si ça te plaît de voir vraiment les Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t'y conduirai.
-Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m'intéresse pas du tout, cet enflé, avec son chapeau à la con.
-Qu'est-ce qui t'intéresse alors?
Zazie répond pas.
-Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu'est-ce qui t'intéresse?
-Le métro.

Malheureusement pour Zazie, les poinçonneurs sont en grève, et donc point de métro!
Raymond Queneau lui a pourtant fait visiter le souterrain, dans deux fragments du premier manuscrits, intitulés « Zazie vraiment dans le métro », présentés dans cette édition.


Enfance rebelle
Je souhaitais lire Zazie dans le métro depuis belle lurette. Les histoires d'enfant-méchant, ça m'attire. Les petits morveux apportent du piquant à la littérature. Les cancres, les solitaires, les irrévérencieux, les rêveurs, les téméraires et tous les autres désobéissants à l'ordre adulte créent les meilleures aventures.

Zazie, elle, occupe une place de choix dans l'enfance rebelle : celle de la révolte active. Impolie, sadique et culottée, elle terrifie les adultes de son entourage. Elle démasque leurs secrets. Elle comprend sur l'instant la nature profonde des personnes qui l'entourent. Elle déstabilise avec sa langue qu'elle ne porte pas dans sa poche.
Mais les vérités qu'elle profère ne sont que superficielles. Il manque à Zazie la maturité de saisir les choses dans leur entièreté.
Et c'est là qu'entre en jeu l'allégorie du roman : le métro.

Métaphore de la vie adulte
Le métro. Que Zazie ne peut pas prendre pour cause de grève. Est-ce un faux rebondissement narratif d'une simplicité naïve? 
Non.
Au départ, Queneau écrivit deux passages textuels se déroulant dans le train souterrain. Mais comme il craignait que le temps et la modernité rendent ces descriptions obsolètes, il les supprima de son manuscrit (d'ailleurs, la présente édition est augmentée des ces fragments à la fin du livre).
Mais au-delà des questions de style, le métro métaphorise la vie adulte que Zazie désire atteindre, en vain.
Zazie est une ingénue qui fourre son petit nez partout afin de tout comprendre. Les derniers mots du livre, en particulier, sont très parlant à ce sujet :

- Alors, tu t'es bien amusée ?
- Comme ça.
- T'as vu le métro ?
- Non.
- Alors, qu'est-ce que t'as fait ?
- J'ai vieilli.

En fait, elle a pris le métro, mais elle dormait à ce moment. Tout comme l'innocence quitte l'enfant sans qu'il ne s'en rende compte, et le fait entrer dans l'ère adulte. 

Jeux de langage
J'ai appris une nouvelle expression grâce à ce roman :
Provincial/e
1) Qui appartient à une province, qui concerne une province.
2) (Péjoratif) Qualifie l’air, les manières, le langage, etc., des personnes de province, par opposition à l’air, aux manières, etc., des habitants de la capitale.
Air provincial. — Manières provinciales.
Langage, accent, style provincial. — Les mœurs provinciales.

Note d’usage : Au Canada, le sens 1) s'oppose à fédéral et, dans un autre ordre, à municipal.Le sens 2) n'est pas usité au Canada.

Source : http://fr.wiktionary.org/wiki/provincial
Je parle du deuxième sens, évidemment. Zazie est une « provinciale ». Et pourtant... les Parisiens qui l'entourent ne semblent pas plus distingués. Alcooliques, ignorants, travestis, violeurs, manipulateurs, menteurs, mais tout de même sympathiques pour la plupart, ils entraînent Zazie dans une aventure décalée et tout bonnement incroyable, qui nous fait découvrir un Paris d'époque avec moult détails.
Toutefois, ce ne sont pas les péripéties, mais les jeux de langages qui m'ont le plus attirée dans ce roman.
L'écriture calque la langue parlée, ce qui offre de petites merveilles linguistiques, tels « doukipudonktan », « hormosessuel », « bloudjinnze » ou « le bâille-naïte de cette cité ». Le roman en est remplies. Pour ma plus grande joie. À chaque page. Et disons que lire certains passages à voix haute aide à mieux les comprendre. Et pour qu'un livre donne envie de lire à haute voix, c'est qu'il est génial. ^^

Pour conclure, Zazie dans le métro, roman d'apprentissage truffé de jeux de mots et de descriptions de l'ancien Paris, se lit comme on mange du chocolat. On voudrait le faire lentement, mais on ne peut pas.


Extrait
« - Alors ? Pourquoi que tu veux l’être, institutrice ?
- Pour faire chier les mômes, répondit Zazie. Ceux qui auront mon âge dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ans, dans cent ans, dans mille, toujours des gosses à emmerder.
- Eh bien, dit Gabriel.
- Je serai vache comme tout avec elles. Je leur ferai lécher le parquet. Je leur ferai manger l’éponge du tableau noir. Je leur enfoncerai des compas dans le derrière. Je leur botterai les fesses. Parce que je porterai des bottes. En hiver. Hautes comme ça (geste). Avec des grands éperons pour leur larder la chair du derche.
- Tu sais, dit Gabriel avec calme, d’après ce que disent les journaux, c’est pas du tout dans ce sens-là que s’oriente l’éducation moderne. C’est même tout le contraire. On va vers la douceur, la compréhension, la gentillesse. N’est-ce pas, Marceline, qu’on dit ça dans le journal ?
- Oui, répondit doucement Marceline. Mais toi, Zazie, est-ce qu’on t’a brutalisée à l’école ?
- Il aurait pas fallu voir.
- D’ailleurs, dit Gabriel, dans vingt ans, y aura plus d’institutrices : elles seront remplacées par le cinéma, la tévé, l’électronique, des trucs comme ça. C’était aussi écrit dans le journal l’autre jour. »

vendredi 24 juin 2011

Il était une fois - de Fred Pellerin

Quelle drôle de coïncidence. Dans mon dernier message, je diffusais un ancien conte de la St-Jean écrit par Fred Pellerin. Pour 2011, il revient à la charge avec un tout nouveau texte, dans un style différent, mais toujours pellerinien si vous me permettez l'expression.
À noter la présence de Nicolas Pellerin, le frère musicien de Fred, dans la vidéo. ;-)


IL ÉTAIT UNE FOIS

Il était une fois...
Puis c'était toujours des géantes,
Puis c'était toujours des géants,
Puis ça se passait toujours
Dans un pays lointain...

Ils disaient : Il était une fois…
Ça chauffait les maisons,
Ça tenait en haleine
Les enfants puis les soirs longs.

C'était des dires,
C’était des contes,
C’était des histoires à rester debout.

Parce que le chez-nous
Il se tenait le dos drette.
Le chez-nous,
Il se tenait au bout du mât.
C’était comme un bout de voile
Taillé d’avance
Pour un bateau qui était pas là,
Mais voguait dans les espérances.

Les usages puis les jours
Côtoyaient les légendes.
Il mouillait des hommes forts,
Des Alexis grands coureurs,
Puis les jupons de la Rose
Qui faisaient danser les diables,
Les canots qui déchiraient
Les dentelles boréales.

Il était une fois…
C’était un temps de mythes.
Les chemins étaient pas longs,
Mais ça s’ouvrait sur du vaste.
Y avait des poètes au pouvoir,
Y avait des possibles à pleines clôtures.

Il était une fois…
C’était pas de la nostalgie,
C’était juste un entrebâillage
Sur des demains qui se pouvaient encore…


Il était une fois…
Il était une fois jusqu'à hier...
Il était une fois jusqu’à maintenant…
Le grand maintenant
Qui sonne à la porte du siècle fou.
Le grand maintenant qui insiste,
Les doigts plantés dans le seuil
D’une immense maison
Sans pays.

On se vote comme on se vend.
Puis les partis oublient de nous faire un tout.
L’histoire s’écrit à l’encre débile.
Advienne qui pourrira.

Jusqu’à se dire que peut-être…
Chacun de notre bord…
Peut-être que l’histoire nous a joué un tour,
Peut-être qu’il n’est plus une fois,
Peut-être qu’il n’est plus aucune fois.

Ils sont où nos hommes forts,
Les géantes, les coureurs,
Les diables, les belles danseuses?
Quand on cogne sur la bulle
L’impression que ça sonne creux
Comme une grande légende vide.

Il était une fois…
Est-ce qu’il est déjà une fin?


Il était une fois,
Il n’est plus une fois.
Pourtant, les demain continuent
De cogner à la porte.   

Les demains.
Il sera une fois…
Ça se conjugue bien.

Il sera une fois,
Dans des horizons doux,
Un monde où l’amour
A pas trouvé sa putain, 

Un monde où les cœurs se retroussent,
Haut et fort,
À se construire du grand et du solide,
À pleine face dans l’histoire,
À pleines gorgées d’appartenance,
À tirer dans les mémoires,
Là où la devise se souvient,
Pour se faire des lignes d’avenir,
Puis se donner la survivance.

On ira réveiller le vent,
Celui qui tient l'espoir et le cap.
Sur les mots puis dans les airs,
Dans le grand manche branlant
Avec quatre siècles d’erre d’aller…
Dites-moi qu’on fonce.
À la limite, s’il faut tomber,
On aura l’élégance de tomber ensemble.

Est-ce qu’il sera une fois?
Il sera des millions de fois.
Il sera sept millions de fois.
Puis l’histoire va reprendre de son aile
Puis son coin de ciel.

Il sera une fois…
Dans un pays lointain…
Juste de le dire
Déjà il est moins loin.

Il sera une fois
Puis on sera tous des géantes, des géants!



Bonne Fête nationale à toutes les Québécoises et tous les Québécois! :)

jeudi 23 juin 2011

Conte de la Fête nationale du Québec - de Fred Pellerin

La pluie de juin tombe en apportant avec elle la déprime grise.
Aujourd'hui devrait pourtant être festif : en ce soir, veille de la Fête nationale du Québec, la pluie nous empêche de festoyer autour des feux de la St-Jean.
Toutefois, l'esprit de fierté nationale, lui, reste joyeux. Et me rappelle cette merveilleuse histoire de mon conteux favori, narrée sur les plaines d'Abraham en 2007.

Le thème de la célébration cette année est « Entrez dans la légende ». Ça tombe bien. Je désire en partager une magnifique avec vous.


samedi 18 juin 2011

Speak White - par Pierre Falardeau et Julien Poulin - d'après le poème de Michèle Lalonde

En l'honneur de la Fête Nationale du Québec qui approche à grands pas (24 juin), voici un court métrage réalisé par Pierre Falardeau et Julien Poulin, selon un célèbre poème de Michèle Lalonde.

Le 27 mars 1970 fut une date décisive et un point culminant pour la poésie québécoise. La Nuit de la poésie rassembla des poètes de tous les genres : jeunes et vieux, traditionalistes et enfants de la Révolution tranquille, inventeurs de langages et miroirs du langage populaires, religieux et féministes, amoureux et engagées... Tous avaient en commun l'amour de la langue française, langue nationale des chantres modernes et anciens. Tous venus célébrer la poésie. Tous venus célébrer...
Un poème fut choisi par les poètes et l'auditoire comme symbole de cette soirée à l'ambiance si particulière : Speak White de Michèle Lalonde.

Pour connaitre la riche histoire de ce poème, je vous invite avec un vif intérêt à consulter ce lien.

Dix ans plus tard, Pierre Falardeau et Julien Poulin créèrent un vidéo poème à la hauteur de leur réputation... c'est-à-dire un film choc, troublant, violent, beau et libre.
Je le partage avec vous.


Réalisateur: Pierre Falardeau et Julien Poulin
Producteur: Robert Forget 
Production: ONF
Image: Raymond Dumas
Narration: Marie Eykel
Musique: Julien Poulin
Son: Louis Hone
Année: 1980
D'après le poème de Michèle Lalonde


Speak white 
de Michèle Lalonde

il est si beau de vous entendre
parler de Paradise Lost
ou du profil gracieux et anonyme qui tremble
dans les sonnets de Shakespeare

nous sommes un peuple inculte et bègue
mais ne sommes pas sourds au génie d'une langue
parlez avec l'accent de Milton et Byron et Shelley et
Keats
speak white
et pardonnez-nous de n'avoir pour réponse
que les chants rauques de nos ancêtres
et le chagrin de Nelligan

speak white
parlez de chose et d'autres
parlez-nous de la Grande Charte
ou du monument de Lincoln
du charme gris de la Tamise
De l'eau rose du Potomac
parlez-nous de vos traditions
nous sommes un peuple peu brillant
mais fort capable d'apprécier
toute l'importance des crumpets
ou du Boston Tea Party
mais quand vous really speak white
quand vous get down to brass tacks

pour parler du gracious living
et parler du standard de vie
et de la Grande Société
un peu plus fort alors speak white
haussez vos voix de contremaîtres
nous sommes un peu dur d'oreille
nous vivons trop près des machines
et n'entendons que notre souffle au-dessus des outils

speak white and loud
qu'on vous entende
de Saint-Henri à Saint-Domingue
oui quelle admirable langue
pour embaucher
donner des ordres
fixer l'heure de la mort à l'ouvrage
et de la pause qui rafraîchit
et ravigote le dollar

speak white
tell us that God is a great big shot
and that we're paid to trust him
speak white
parlez-nous production profits et pourcentages
speak whitec'est une langue riche
pour acheter
mais pour se vendre
mais pour se vendre à perte d'âme
mais pour se vendre

ah! speak white
big deal
mais pour vous dire
l'éternité d'un jour de grève
pour raconter
une vie de peuple-concierge
mais pour rentrer chez-nous le soir
à l'heure où le soleil s'en vient crever au dessus des ruelles
mais pour vous dire oui que le soleil se couche oui
chaque jour de nos vies à l'est de vos empires
rien ne vaut une langue à jurons
notre parlure pas très propre
tachée de cambouis et d'huile

speak white
soyez à l'aise dans vos mots
nous sommes un peuple rancunier
mais ne reprochons à personne
d'avoir le monopole
de la correction de langage

dans la langue douce de Shakespeare
avec l'accent de Longfellow
parlez un français pur et atrocement blanc
comme au Viet-Nam au Congo
parlez un allemand impeccable
une étoile jaune entre les dents
parlez russe parlez rappel à l'ordre parlez répression
speak white
c'est une langue universelle
nous sommes nés pour la comprendre
avec ses mots lacrymogènes
avec ses mots matraques

speak white
tell us again about Freedom and Democracy
nous savons que liberté est un mot noir
comme la misère est nègre
et comme le sang se mêle à la poussière des rues d'Alger ou de Little Rock

speak white
de Westminster à Washington relayez-vous
speak white comme à Wall Street
white comme à Watts
be civilized
et comprenez notre parler de circonstance
quand vous nous demandez poliment
how do you do
et nous entendez vous répondre
we're doing all right
we're doing fine
We
are not alone

nous savons
que nous ne sommes pas seuls.

vendredi 17 juin 2011

Les Bengalis - d'Arthur De Bussières

Les Bengalis de Bussières, une œuvre sous-estimée de l'Histoire littéraire du Québec.
Vieux recueil abîmé que j'ai trouvé au fin fond d'une bibliothèque, il est aussi - et heureusement - accessible sur internet.
Je partage avec vous deux poèmes analysés avec soin dans mon temps libre, mais je vous conseille le recueil au complet.

Le parnasse québécois est si peu enseigné de nos jours. Pourtant, ce sous-courant de l'Exotisme eut un rôle à jouer dans la Querelle des Régionalistes, en devenant un moyen d'opposition à la tutelle excessive de l'Église catholique sur la littérature canadienne-française de l'époque.
Les Exotiques revendiquaient une plus grande liberté d'expression et une ouverture sur le monde en s'inspirant des grands courants artistiques européens.
Ironie du sort, en copiant ce qui se faisait en France, ils empêchaient leur propre culture de s'épanouir, alors que les Régionalistes, en se basant sur les traditions de la terre, ont défini les valeurs canadiennes-françaises. Les Brésiliens n'ont-ils pas affirmé que leur littérature est née au moment où ils ont cesser de copier celle du Portugal?
L'exotisme de l'École littéraire de Montréal s'inspirait donc du Parnasse français, mais reflétait surtout son époque, où la littérature française était arrivée au pays depuis peu de temps, et fascinait les jeunes écrivains à la mentalité de colonisés et en manque d'identité culturelle.
Le cas d'Arthur de Bussières est différent. Je pense que c'est pour cela qu'il est si peu cité dans les programmes scolaires. De Bussières était un excentrique, même auprès des écrivains de l'École littéraire de Montréal. Né de parents pauvres, il vivait la Bohème en tant que peintre... de bâtiments. Autodidacte, c'est à peine s'il a été à l'école. Il s'inspirait des paysages étrangers pour écrire sa poésie, et, pourtant, il n'est jamais sorti de sa ville... voire de son quartier. C'est en rêvant qu'il composait ses vers. En rêvant d'un ailleurs qu'un pauvre ne pourrait jamais connaître...

Les Bengalis (1931)
Arthur de Bussières (1877 à 1913), ami et amant d'Émile Nelligan, et membre de l’École littéraire de Montréal, publia ses poèmes dans des revues diverses entre 1896 et 1913, mais ce n’est qu’en 1931 que Casimir Hébert les rassembla dans le recueil Les Bengalis, dont le titre fut tout de même choisi par Bussières lui-même. Les poèmes de ce recueil s’inscrivent dans la veine des poètes parnassiens, c’est-à-dire que Bussières s’inspire des règles du parnasse qui sont la beauté absolu, l’art pour l’art et le travail poétique, - le tout sans revendication de visées sociales, voire dans une distance totale avec le monde : « De Bussières partage [...] leur dédain du régionalisme à caractère nationaliste, leur refus de tout souci didactique ou utilitaire de la pratique poétique ; il adhère comme eux à une théorie de l’art pour l’art et fait sien leur goût un peu précieux pour l’exotisme et le pittoresque »1. Le souci du mot juste semble obséder le poète, dont les vers musicaux et la « plasticité » des phrases décrivent des tableaux présentant les hautes valeurs civilisatrices de l’humanité, et portés par un exotisme et un sens du rêve exacerbé mais métriquement calculés.

Kita-no-tendji
À Joseph Melançon.

C'est un temple de pierre aux structures énormes,
Dont les contours pesants estompent l'horizon;
Granits, marbres en blocs, pylônes à foison,
Flanqués d'ombres. Autour, des cèdres ou des ormes.

Au sein de l'éclatante et vaste floraison
Des chrysanthèmes d'or aux sépales difformes,
Triste, ainsi que des dieux aux immobiles formes,
Un vieux bonze accroupi murmure une oraison.

Kita-no-tendji dort. Ni les voix de l'enceinte,
Ni les bruits éternels de Kioto la sainte
Ne vont troubler la paix de son divin sommeil.

Mais les temps l'ont penché vers l'abrupte colline;
Il chancelle, pareil au vieillard qui décline
Sous les grands rayons roux de l'hivernal soleil...

Un exemple de cela est sûrement le poème « Kita-no-tendji », qui présente le récit d’un bonze âgé accroupi et priant dans un ancien temple japonais. Ce sonnet, très travaillé si l’on en croit les nombreuses variantes faites par Bussières, montre un paysage dégageant beaucoup de beauté, jointe à une intimité ambiante et manifeste. Les rimes des quatrains sont toutes au pluriel : cela donne un effets foisonnants, comme si le regards du poète ne savaient où se poser tellement les choses abondent dans le décor. Cela accentue aussi « l’allure gigantesque de l’architecture du temple nippon, la prolifération végétale qui l’entoure et qui, pour ainsi dire, le protège contre ce qui pourrait troubler sa tranquillité »2. Car la tranquillité et la grandeur se côtoient ici pour donner un air à la fois spirituel et grandiose. L’analyse du poème strophes par strophes le confirme. Ainsi, la première strophe montre une vue panoramique. Un grand temple s’y trouve. Ses dimensions sont suggérés par le vocabulaire employé. La description des jeux d’ombres et de lumières donnent l’impression de se trouver devant la toile d’un paysage en fin de journée. La deuxième strophe s’appuie plutôt sur l’organique, c’est-à-dire les fleurs et l’homme accroupi. Le silence règne, et est à peine troublé par le murmure du vieillard. Une impression de paix se dégage de ce quatrain. Le paysage est à peine mobile. En fait, il n’y a que les fleurs lumineuses et l’oraison divine qui laisse entrevoir la vie. La troisième strophe ne fait que confirmer le silence précédant : le moine dort. Quant à la dernière strophe, elle s’ouvre à un paysage temporel et physique plus grand, montrant que le temps détruit tout, les bâtiment et les humains. On est passé de quatre à trois vers par strophe : la dégradation est aussi formelle.

Soirée castillane 

De lumineux éclats d'astres demi-voilés
Caressent doucement sous les cieux constellés
L'immobile verdeur des pâles marjolaines.

Aussi, dans le silence, on entend vers les blés
Le grand vol alourdi des nocturnes phalènes,
Pendant qu'au loin, la voix des belles madrilènes
Résonne sur la route aux sables grivelés.

Un franc toréador, rêvant de ses parades,
Sourit en son parterre orné de balustrades
Où l'onagre fleurit près des alcarazas;

Et la brise du soir, harpiste éolienne,
Éveillant des parfums le long des mimosas,
Vibre dans les sons d'or d'une tyrolienne.

Le poème « Soirée castillane » utilise, de son côté, une utilisation de la forme assez semblable. Le premier quatrain situe la scène, et expose le sujet. On peut dire que beaucoup de descriptions de paysage de Bussières commence de cette façon : « le tableau se veut impersonnel et grandiose, les images frappantes, et les effets de sonorités et de couleurs efficaces »3. Tout au long de « Soirée castillane », Bussières joue avec ce qui frappe les sens et les effets produits par la lumière. Ici, c’est la nuit en Espagne. L’exotisme procure un effet magique à un tableau qui pourrait pourtant être banal sans cela. Au premier tercet, un « objet » apparaît, brisant le panorama du paysage pour privilégier une situation. Cela permet de conclure le poème par un enrichissement et un enchantement que le début ne possédait pas.

Ces deux poèmes se ressemblent beaucoup : un panorama montre un paysage qui subit l’assaut de la lumière et de la beauté contemplative de la nature. Puis, un objet apparaît, qui enrichit le sens premier du paysage pour lui donner une inscription temporel. Bussières décrivait le paysage comme on peint une toile : « Arthur de Bussières se sert d’un pinceau chargé des tons les plus divers mais toujours appropriés. En plus de poser artistiquement sa couleur, de Bussières observe, dans ses toiles, toutes les lois de la perspective »4. On peut donc conclure en disant que Bussières « est le plus “ peintre “ de nos poètes dits artistes »5.

1 « Présentation » de Robert Giroux, dans Les Bengalis réédition critique, de De Bussières, Arthur, Éditions Cosmos, Sherbrooke, 1975, p. 17
2 « Présentation » de Robert Giroux, dans Les Bengalis réédition critique, de De Bussières, Arthur, Éditions Cosmos, Sherbrooke, 1975, p. 24
3 « Présentation » de Robert Giroux, dans Les Bengalis réédition critique, de De Bussières, Arthur, Éditions Cosmos, Sherbrooke, 1975, p. 22
4  PAQUIN, Wilfrid. Arthur de Bussières, poète, et l’École littéraire de Montréal, Fides, Montréal, 1986, p. 50
5 « Présentation » de Robert Giroux, dans Les Bengalis réédition critique, de De Bussières, Arthur, Éditions Cosmos, Sherbrooke, 1975, p. 18

jeudi 16 juin 2011

Mise à jour de la PàL

C'était mon anniversaire hier. ^^
Vous savez ce que cela signifie? Oui!!! De nouveaux livres!!!

Ma mère m'a offert deux romans... que dis-je, deux vœux exaucés :

Orgueil et préjugés de Jane Austen


Incroyable, mais vrai, cher Monsieur Ripley, je n'ai jamais lu Jane Austen.
Bon, j'ai eu l'excuse des études - m'obligeant à lire des dizaines de livres par mois - qui ne me laissaient guère de temps libre pour d'autres œuvres.
Aujourd'hui, les pénibles lectures élitistes étant terminées, je peux me consacrer aux romans que je désire. Youppi. ^^
Orgueil et préjugés, un bouquin auquel je rêve depuis des années.

Le berceau du chat de Kurt Vonnegut


J'affectionne la science-fiction. Que dis-je, j'adore tous ces récits dystopiques, anticipatoires, cyberpunk ou space opera. C'est un genre intelligent où l'imagination devient source de philosophie et de réflexion sur notre propre monde. J'en lis depuis l'enfance.
Vonnegut est une pointure dans le genre. Écrivain qui attise ma curiosité depuis longtemps, j'ai enfin l'occasion de le lire. Merci maman. ^^

Zazie dans le métro de Raymond Queneau


Roman prêté par une amie (qui n'a pas de blogue), je rêve de cette lecture depuis des années. Je n'ai jamais beaucoup aimé la littérature française, mais je sens que si cette lecture m'emporte au loin, Queneau deviendra un autre Boris Vian à mes yeux.

Je suis enthousiaste et motivée, j'espère ne pas être déçue. ;)

mercredi 15 juin 2011

Bois du thé fort, tu vas pisser drette! - de Fred Pellerin

Fred Pellerin
Éditions Sarrazine
87 pages
Résumé
Brodain Tousseur, ce fut un homme de science infuse. Un grand buveur de thé, du type à laisser traîner sa tasse toute la journée, à se réchauffer l'eau aux heures, à se laisser tremper le thé du matin au soir. Un mijoteux, qui vous trouvait du sens même où on ne voyait pas de fond.
- Bois du thé fort, tu vas pisser drette!
Si on n'a toujours pas compris la teneur de cette phrase qu'on se répète à longueur de village, on sent toujours le sourire malgré l'hermétisme. Il est de ces mystères qui transportent la bonne humeur.





La première fois que j'ai « rencontré » Fred Pellerin,  c'était il y a quelques années, pendant une petite conférence littéraire amicale. J'étais présente dans le petit salon étudiants du Cégep. Et j'ai gagné un prix de présence : ce minuscule livre, Bois du thé fort, tu vas pisser drette. Je l'ai relu cette semaine pour pouvoir me replonger dans l'univers de Pellerin sous le plus de facettes possibles.
Et ce mini livre est vraiment particulier.

La structure textuelle est construite selon une suite de petites histoires mettant toutes en scène le personnage Brodain Tousseur (ou Toussaint Brodeur selon le niveau de dyslexie). En fait, le conteux rend hommage à un homme qui a déjà habité le village de Saint-Élie-De-Caxton :

« Fred Pellerin rend hommage à un homme de son village, Brodain Tousseur, philosophe du bonheur quotidien, qui lui a inspiré ce titre plutôt surprenant : Bois du thé fort, tu vas pisser drette! Dans ce petit livre, le conteur présente sept tranches du quotidien des habitants-personnages de son village Saint-Élie-de-Caxton. Ces récits drôles et intelligents nous sont présentés dans une langue imagée et maniée avec vivacité : ils témoignent de l’affection que l’auteur éprouve pour ses antihéros attachants et son désir de conserver vivante leur mémoire. La lecture des récits de Fred Pellerin n’est peut-être pas aussi extravagante que la narration qu’il nous en ferait en spectacle, mais ce petit génie de la tradition orale a la plume aussi colorée que sa présence sur scène et donne envie de se faire conter des histoires encore et encore ». 
- Marie-Belle Girard, Les Bouquinistes

Aucun support électronique n'accompagne le bouquin. Quand je vous dis que ce livre est particulier dans l'univers du conteux...
Il y a moins de mots et de jeux de langages que dans les contes habituels de Pellerin. Mais le livre est minuscule, et se lit dans le temps de boire une tasse de thé fort.
Une délicieuse tasse de thé, d'ailleurs.

Un livre en dessous de la moyenne des œuvres de Fred Pellerin, donc toujours excellent.

lundi 13 juin 2011

X-Men: First Class - par Matthew Vaughn

X-Men: First Class / X-Men : Première Classe
Réalisateur : Matthew Vaughn
Scénario : Jamie Moss, Josh Schwartz et Jane Goldman, d'après les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby
Sortie en salle : Juin 2011
Avec : James McAvoy, Michael Fassbender, Kevin Bacon

Avant que les mutants n’aient révélé leur existence au monde, et avant que Charles Xavier et Erik Lehnsherr ne deviennent le Professeur X et Magneto, ils n’étaient encore que deux jeunes hommes découvrant leurs pouvoirs pour la première fois. Avant de devenir les pires ennemis, ils étaient encore amis, et travaillaient avec d’autres mutants pour empêcher la destruction du monde, l’Armageddon. Au cours de cette opération, le conflit naissant entre les deux hommes s’accentua, et la guerre éternelle entre la Confrérie de Magneto et les X-Men du Professeur X éclata…
X-Men : le commencement nous entraîne aux origines de la saga X-Men, révélant une histoire secrète autour des événements majeurs du XXe siècle.

Un commencement revisité
J'ai vu ce film hier soir, et je l'ai encore en tête. Surtout le splendide final. Et la grande majorité des scènes avec le personnage d'Érik.

Je n'ai jamais aimé le fait que Magneto soit un vilain-pas-beau-qui-torture-des-jeunes-filles dans la trilogie. Il s'agit d'une absurdité, car Magneto ne pense pas ainsi dans les bds.
Par contre, j'ai adoré cette analyse de son passée. On voit enfin sa nature double dans celui-là!
Quant aux autres personnages, rien ne m'a outré à leur propos. L'adaptation contient sa propre logique interne.
Ce que je retiens le plus, ce sont ces personnages en tant que tels. Leur vie avant les supers-héros. Leur motivation première. Leur lourd passée. Dans cela se développe la grande force de l'histoire.

Pour le film en lui-même, les effets spéciaux sont parfaits si je prend en compte le fait que tout me semblait parfaitement « naturel ». Un effet réussi est invisible. J'ai d'ailleurs particulièrement adoré le tour de passe-passe final avec la pièce de monnaie.


L'ambiance sixteen me choquait presque sur les photos promotionnelles, mais une fois les personnages et leurs costumes en action dans le film, tout s'accorde. Rien à redire après visionnage. 

Une histoire un peu trop linéaire à mon goût par contre. J'aurais préféré un récit en flash back, mais comme il se passe beaucoup de choses et que le film demeure grand public, je comprends ce choix.

Bref, vous aurez compris, j'ai trouvé X-Men: Première Classe excellent. Dire que j'étais sceptique la semaine passée encore, alors qu'il est un des meilleurs films de la franchise. ;-)

dimanche 12 juin 2011

Dans mon village, il y a belle Lurette... - de Fred Pellerin

PELLERIN, FRED. Dans mon village, il y a belle Lurette..., Planète Rebelle, coll. Paroles, 2001, 144p
Accompagnée d'un CD, d'une durée totale de 82:17 min.


Quatrième de couverture
C'est une suite de légendes mystérieuses, autant chargées d'amour que d'humour, qui sont venues à moi par la bouche de ma grand-mère. Plongeant dans le passé de mon village, ces histoires redonnent de la couleur aux blancs de mémoire, redonnent vie aux morts, et font reluire la belle Lurette, cette fille à la peau d'or dont on a tous entendu parler. Servies en petites parlures, les contes de mon aïeule se prennent comme des souvenirs trop beaux pour ne pas être vrais.




Je profite de mon trop-plein de temps libre pour relire certains de mes livres préférés. Il faut bien s'y replonger, dans ces bouquins achetés avec la promesse d'une possible relecture. Sinon, l'entretien de la bibliothèque n'aurait aucun sens, n'est-ce pas? ;-)

Donc, ces temps-ci, en plus de me relire les Harry Potter, je m'immerge aussi dans l'univers enchanteur de ce grand conteux, Fred Pellerin.

Contes de village
Dans mon village, il y a belle Lurette..., c'est un conte moderne revisitant la tradition orale canadienne-française.
Le village de St-Élie de Caxton y est à l'honneur dans la première partie du livre consacrée à une série de petites histoires, possédant toutes un lien entre elles. Fred s'inspire (librement) des anecdotes sur les ancêtres du village, que les aînés racontent aux plus jeunes dans l'espoir de transmettre un peu de culture légendaire.
On y retrouve ainsi les personnages habituels des contes de Fred :
- Brodain Tousseur, fabriquant de bières de bibittes
- Ésimésac Gélinas, l'homme le plus fort du monde de St-Élie de Caxton
- Ti-Bust, le forgeron
- Babine, le fou du village
- La Sauvagesse, sorcière et guérisseuse
- Le curé, gardien de la religion
- Dièse, le jeune amoureux
- La Belle Lurette, fille du forgeron à la beauté virginale

La seconde partie puise son inspiration dans la tradition orale. On y retrouve, revampés pour l'univers de Pellerin, les traces de trois contes populaires : Rose Latulipe, les korrigans et le bossu, et la Dame Blanche.

Enfin, pour accompagner le tout, un disque compact permet d'entendre Fred Pellerin qui raconte des versions différentes de ces histoires, dans la pure veine des contes oraux qui ne sont jamais fixés. Car les histoires présentées dans Belle Lurette sont des exercices de style avant tout (et quel style!), destinés à la diffusion publique des contes et légendes. Mais le CD possède le rôle de nous rappeler la forme première des contes et légendes : l'oralité. Un conte ne doit jamais sombrer dans la constance, mais doit se renouveler de générations en générations. Et pour cela, Fred Pellerin s'en sort mieux que Ti-Bust face aux lutins.

Cependant, le véritable charme de ce livre se cache dans les mots. Fred fait preuve d'un talent inusité pour jongler et s'amuser avec eux. Le livre est parsemé, non seulement de jeux de langage, mais aussi d'un vocabulaire archaïque et néologique. Il y a d'ailleurs un personnage qui se nomme Ti-Jack Prévert, dont l'annonce préfigure un calembour prochain. Bref, un vrai travail sur les mots et la forme, qui raviront les chercheurs de belles écritures.

En conclusion, un recueil de contes traînant du côté de la tradition orale, mais modernisé à cette ère de la mondialisation où les peuples plus petits cherchent à faire revivre leur folklore. Le vocabulaire reflète une grande originalité, et reflètent l'amour des mots de l'auteur.

Je ne regrette pas cette deuxième lecture. ;-)


Extrait
  Ma grand-mère disait que l'histoire s'est passée dans des mots de tous les jours.
  « Oui ! Des mots coupants, taillés à la hache. Aujourd'hui, ti-gars, l'Orifice de langue française vous coupe le verbe sous le pied de la lettre. Il vous enlève les mots de la bouche. C'est rendu qu'il faut peser vos gros mots à chaque fois que vous voulez parler. Quand c'est trop lourd, il vous invente des tournures tellement légères qu'elles ont l'air vidées. Ça va finir comme une langue morte d'étourdissements, à force de se la tourner dans la bouche. Comme le latin, le grec et les langues de cochon dans le vinaigre ! »
  Ma grand-mère disait, et c'était loin d'être son dernier mot, que ça se passait quand on parlait franc. Dans des mots dits qui ne s'écriront jamais parce qu'aucune grammaire n'arrivera jamais à les dompter.
p. 17

dimanche 5 juin 2011

Dédé à travers les brumes - par Jean-Philippe Duval

Dédé à travers les brumes
Réalisation et scénario : Jean-Philippe Duval
Producteurs : Roger Frappier, Luc Vandal
Distributeur : TVA Films, Max Films
Date : 2009
Avec : Sébastien Ricard, Dimitri Storoge, Bénédicte Décary, Mélissa Désormeaux-Poulin

Synopsis
Retiré dans la campagne hivernale de l'Estrie, André « Dédé » Fortin compose le troisième album de son groupe Les Colocs en se remémorant le passé dont les fantômes ne cessent de le hanter autant dans l'exaltation créatrice que dans la dépression profonde.









J'ai eu l'idée d'écrire ce billet depuis les tout début du blogue. Si vous avez eu l'envie de remonter jusqu'à la première note, vous vous êtes donc aperçus de ma passion non seulement pour ce grand groupe musical, Les Colocs, mais aussi pour les Loco Locass. Alors, un film portant sur le chanteur des Colocs, avec, en prime, comme acteur principal, un membre des Loco Locass, cela ne peut que me donner envie d'en discuter... non?
Mais voilà, j'ignorais par où commencer. Je ne sais toujours pas mettre des mots sur ce film. Et j'y pense pourtant depuis des mois. Pas parce qu'il est exceptionnel. Pas non plus parce qu'il est mauvais. Ni l'un ni l'autre. Je dirais plutôt qu'il est difficile à décrire. Je vais tout de même tenter le coup.

Drame biographique portant sur un des plus grands artistes de l'histoire musicale du Québec, André Fortin dit Dédé, ce film est le fruit d'un risque énorme de la part de Jean-Philippe Duval et de toute l'équipe d'artisans derrière lui. Comme le titre du film l'indique - dont le nom s'inspire d'un vers d'un poème célèbre de Baudelaire cher à Dédé -, le pari tenait au fait de réussir un film à la fois intimiste et populaire, pour raconter la vie d'un homme qui possédait ces deux caractéristiques.

Il y a des ratés :
- La rébellion de Dédé contre le système élitiste et capitaliste, ainsi que sa grande bonté envers les plus démunis et les plus faibles, sont des points totalement édulcorés du film. Pour ne pas choquer les bonnes gens? Probablement. C'est le principal malaise de ce long métrage : Dédé devient dépossédé de sa substance, celle qui déplaisait aux milieux aisés, et même au domaine du show business. Il a même perdu cet accent du Lac St-Jean, si rare au cinéma. Mais, d'un autre côté, peut-on reprocher cette dernière chose à l'acteur, sachant qu'elle est quasi impossible de reproduire à la perfection?
- Le film prend trop un axe un événement = une chanson, du moins, dans la première partie du récit. Une chance, la suite prend plus de profondeur.

...et ses réussites :
- L'interprétation merveilleuse des acteurs, surtout de Sébastien Ricard qui nous fait totalement croire en son personnage (malgré la différence de gabarit). Il s'en sort tout de même très bien, sachant que son interprétation serait scrutée sous tous les angles.
- La tension dramatique qui augmente en force, mais sans jamais sombrer dans les pièges du pathos. La douleur humaine présentée dans cette production est juste et vraie.
- Les magnifiques paysages, reflets de l'intériorité des personnages. Surtout de Dédé.
- La musique? Oui, splendide, cela, vous vous en doutiez. Par contre, je ne sais pas si le fait que Sébastien Ricard interprète lui-même les chansons soit une bonne ou une mauvaise chose. Comme dans Walk The Line. Bien sûr, le merchandising se pourlécha les babines devant les possibilités de ventes de la bande sonore (Sébastien Ricard a publiquement désapprouvé cette publicité, d'ailleurs). Mais c'est original aussi. Et bien fait. Donc, je ne sais qu'en penser...
- La reconstitution historique. Oui, car, c'est proche de nous, mais c'est si loin en un sens... Le référendum de '95, le suicide de Dédé... Disons que nous commençons à peine à pouvoir en parler sans trop de mal.

Bref, un film imparfait sur un grand homme qui l'était tout autant, avec défauts et qualités.

Annie Hall - par Woody Allen



















Réalisateur : Woody Allen
Scénaristes : Woody Allen, Marshall Brickman
Année de production : 1977
Avec Woody Allen, Diane Keaton, Tony Roberts

Synopsis (source)
À l'aube de ses quarante ans, Alvy Singer fait le bilan de la situation. Une introspection sur sa dernière rencontre, Annie Hall, qui vient de le quitter, et un hommage à la ville qu'il aime, New York.

Commentaire
Annie Hall, un Woody Allen complet qui se répond en écho à lui-même. Toutes les caractéristiques typiques des films du célèbre comique y sont présentes : le personnage névrosé à lunette, l'humour intellectuel, l'obsession de la mort, de la sexualité et du judaïsme, cette relation amour/haine pour l'élite de gauche, la déconstruction ciblée des codes cinématographiques et la passion dévorante d'Allen pour New-York. Ici, Woody Allen effectue une analyse approfondie de son propre divorce par le biais de l'auto-dérision et des grandes questions sur l'Amour. On suit l'histoire d'Elle, qui se cherche et se trouve, et de Lui, qui stagne toujours au même niveau, refusant de progresser.
Un film qui donne ses lettres de noblesse à la comédie.

Extraits
« Tout ce que les parents estiment sain est malsain. Le soleil, le lait, la viande rouge, les études... »

« Hé ! Ne te moque pas de la masturbation! C'est faire l’amour avec quelqu’un que j'aime... »

« - Vous êtes un couple heureux ?
- Oui.
- Comment faites-vous ?
- Je suis totalement creuse et superficielle, je n’ai aucune opinion.
- Ah... et vous vous êtes trouvés.
- Oui. »

« Ça doit être leur premier rendez-vous. Par petite annonce dans le New York Review of Books : "Universitaire, trentaine, cherche femme aimant Mozart, James Joyce et la sodomie" »

«  - Je prépare une thèse.
- Sur quoi?
- Sur l'engagement politique dans la littérature du vingtième siècle.
- Vous... vous êtes donc judéo-new-yorkaise, politiquement à gauche, intellectuelle super friquée, et tout ce qu'il y a de bons genres, pour les centres aérés de familles nombreuses, et votre père s'offre des tableaux du réalisme social, c'est bien ça, et qui plus est, vous êtes pro-gréviste, et tout ce qui s'en suit, hein, je vous en prie, arrêtez-moi avant que je me couvre de ridicule.
- Non, c'était formidable. J'adore me voir réduite à un stéréotype culturel. »

« Dans l’art on essaie toujours que les choses soient parfaites, parce que c'est difficile dans la vie. »

« Tu es comme New York. Tu es une île à toi tout seul. »

« - C'est un cours intéressant ce truc là, Poésie américaine moderne? Euh, voyons un peu, peut-être que je devrais choisir Introduction au roman?
- Ne choisit surtout aucun cours qui t'oblige à lire du Joyce. »

« - Vous vous faites analyser ?
- Oui, mais seulement depuis 15 ans. »

Alvy Singer se remémore son enfance avec nostalgie...

vendredi 3 juin 2011

Vincent Vallières















Je n'oublierai jamais ma rencontre avec Vincent Vallières, il y a quelques mois.
Un homme généreux, si généreux... généreux de sa personne, de ses mots, de sa musique.
Un homme modeste et sympathique.
Et talentueux.

Un chansonnier original et intelligent. Un poète humble et si authentique.

Rencontré une seule fois dans ma vie, mais le souvenir demeure fort. C'est à ce moment, je crois, que je suis devenue fan. Car, pour une fois, je n'étais pas déçue de l'artiste que je voyais « en vrai ».

Mes deux chansons favorites...


Tom


Tom vit à temps partiel entre ses trois jobs.
Ses temps libres, yé passe sur un buzz...
Prend son pied avec son ex qui vit à coté d'un duplex.
C'est pas parfait mais c'est moins frette qu'une branlette sur l'Internet.

Tom s'est fait chum avec le poil qui vit en bas.
Le soir souvent, il se retrouve là à jammer du Metallica
D'la pièce tout en boucane, émane Enter Sandman.
Et dans le bruit immense, Tom oublie tout et entre en transe.

Et en attendant, Tom attend rien.
Flane et tripe jusqu'au matin.
Une guit, un fuzz, un bat, un buzz.
On manque de rien icite, on est bin.


Tom tente le diable depuis tant d'année
Oui il le tire même par la queue le premier du mois arrivé.
Dans son pays supposément libre et égal,
Tom est pas dupe des beaux projets qui se votent au congrès libéral.

Canté sur sa paillasse, l'ami Tom rêvasse...
Avoir un band heavy qui marche comme Slayer, Maiden ou Anthrax.
Et tom se taperait des pétasses tout en se maganant la face.
De ses visions un peu bancales, Tom tire un sommeil hibernal.

Tom vit à temps partiel entre ses trois jobs.
Dans la musique pesante,
c'est là que Tom déroge et fête encore la paix avec entrain.
C'est son remède contre la bêtise humaine grosse comme une américaine.

Et en attendant, Tom attend rien...


On va s'aimer encore


Quand on verra dans le miroir nos faces ridées pleines d'histoires
Quand on en aura moins devant qu'on en a maintenant
Quand on aura enfin du temps et qu'on vivra tranquillement
Quand la maison sera payée et qui restera plus rien qu'à s'aimer

On va s'aimer encore, au travers des doutes, des travers de la route et de plus en plus fort

On va s'aimer encore, au travers des bons coups, au travers des déboires, à la vie, à la mort on va s'aimer encore 

Quand nos enfants vont partir, qu'on les aura vu grandir
Quand ce sera leur tour de choisir, leur tour de bâtir
Quand nos têtes seront blanches, qu'on aura de l'expérience

Quand plus personne va nous attendre, qui restera plus rien qu'à s'éprendre

On va s'aimer encore...

Quand les temps auront changés, qu'on sera complètement démodés
Quand toutes les bombes auront sautées, que la paix sera là pour rester
Quand sans boussole sans plan, on partira au gré du vent
Quand on lèvera les voiles devenues de la poussière d'étoiles

On va s'aimer encore, après nos bons coups, après nos déboires et de plus en plus fort

On va s'aimer encore au bout de nos doutes au bout de la route au delà de la mort
On va s'aimer encore, au bout du doute, au bout de la route au delà de la mort
On va s'aimer ...

jeudi 2 juin 2011

The Lost Fingers


The Lost Fingers, groupe de reprise au succès montant, se spécialise dans la réinterprétation des grands titres pop des années '80. Leur particularité? Ils le font dans un mode jazz manouche.

Pump Up The Jam


D'ailleurs, le nom du groupe s'inspire de Django Reinhardt, qui avait perdu deux doigts dans un incendie, l'obligeant par le fait même à réinventer sa façon de jouer de la guitare acoustique : il créa ainsi le jazz manouche, aussi nommé le gypsy jazz.
Les doigts perdus, c'est un univers musical singulier : un petit air de déjà vu sur un vent de nouveautés. Ces musiciens réarrangent les titres pour offrir un résultat original et accrocheur. Avec ce style propre à eux-mêmes.

Coeur de loup

The Lost Fingers, une musique qui s'écoute bien n'importe où, de la voiture à tue tête au bruit de fond agréablement discret.

mercredi 1 juin 2011

Karkwa


Je n'ai pas parlé de musique sur ce blogue depuis un certain bout de temps, alors pourquoi ne pas me rattraper avec le summum en matière de rock indépendant francophone?

Karkwa est probablement ce qui s'est fait de mieux au Québec depuis les dix dernières années. Sans exagération. Le genre de groupe dont la cantologie, - mais aussi la culture underground -, se souviendront encore dans cinquante ans.
Je n'en dis pas plus, je laisse la musique parler pour moi avec la chanson qui m'a fait découvrir ce grand groupe. :)

Un mélange de rock, d'atmosphère, de poésie et de beauté.



Le pyromane 
Prends-le pas, prends-le pas mal
Je suis creux dans la spirale
Abus de butane, vapeurs de kérosène
Pyromane jusqu'au fond des veines
 
Coup d'éclat, le dernier appel
Sur le toit de la chapelle
J'ouvrirai les gaz et traverserai les flammes
Dans l'extase, l'odeur du drame.
 
Lumière bleue de février sur tes larmes de cire
Figée devant le brasier, nu-pieds dans le givre
Tu prieras pour que toutes mes veines se rallument encore
Tu pourras dire que je t'aime, que je t'aime à mort.
 
Rouge démon, rouge mercure
Deux tisons dans ma figure
Tu éteins mes rages, me sors de l'entonnoir.
Tu éclaires mes idées noires,
tu m'éclaires...